Language of document : ECLI:EU:C:2015:345

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. Yves Bot

présentées le 21 mai 2015 (1)

Affaire C‑189/14

Bogdan Chain

contre

Atlanco Ltd

[demande de décision préjudicielle formée par l’Eparchiako Dikastirio Lefkosias (Chypre)]

«Renvoi préjudiciel – Sécurité sociale des travailleurs migrants – Législation applicable – Règlement (CE) n° 883/2004 – Travailleur exerçant normalement une activité salariée sur le territoire de deux ou plusieurs États membres»





1.        Quelle est la législation applicable en matière de sécurité sociale dans une situation telle que celle en cause au principal où une personne, résidant en Pologne, effectue, pour le compte d’une agence de travail temporaire établie à Chypre, des missions successives de courte durée dans deux États, lorsque ni le second État d’emploi ni la durée des différentes missions n’avaient été déterminés dans le contrat de travail et ne pouvaient être prévus au moment de la demande du formulaire A1 (2)? Telle est, en substance, la question que pose l’Eparchiako Dikastirio Lefkosias (tribunal d’arrondissement de Nicosie, Chypre) à la Cour.

2.        La demande de décision préjudicielle a été présentée dans le cadre d’un litige opposant M. Chain, l’un des salariés d’Atlanco Ltd (ci-après «Atlanco»), à cette dernière, au sujet de la détermination de la législation applicable à M. Chain, au sens du règlement (CE) n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale (3), et du règlement (CE) n° 987/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 16 septembre 2009, fixant les modalités d’application du règlement n° 833/2004 (4), pour le paiement des cotisations sociales le concernant.

3.        En l’espèce, deux positions sont défendues. L’une est en faveur d’une application de l’article 11, paragraphe 3, sous a), du règlement de base, établissant la règle de principe d’application de la loi du lieu d’exécution du travail (lex loci laboris), tandis que l’autre prône l’application de l’article 13, paragraphe 1, sous b), de ce règlement, énonçant la règle spécifique d’application de la loi du siège social.

4.        Dans les présentes conclusions, nous expliquerons les raisons pour lesquelles nous considérons que l’article 13, paragraphe 1, sous b), du règlement de base doit être interprété en ce sens qu’il régit une situation telle que celle en cause au principal lorsque ni les États d’emploi ni la durée d’engagement dans ces États n’avaient été déterminés dans le contrat de travail et ne pouvaient être prévus au moment de la demande du formulaire A1.

I –    Le cadre juridique

A –    Le règlement de base

5.        Dans le titre II du règlement de base, intitulé «Détermination de la législation applicable», l’article 11, prévoyant les «[r]ègles générales», dispose:

«1.      Les personnes auxquelles le présent règlement est applicable ne sont soumises qu’à la législation d’un seul État membre [(5)]. Cette législation est déterminée conformément au présent titre.

[...]

3.      Sous réserve des articles 12 à 16:

a)      la personne qui exerce une activité salariée ou non salariée dans un État membre est soumise à la législation de cet État membre;

[...]»

6.        L’article 13 du règlement de base, intitulé «Exercice d’activités dans deux ou plusieurs États membres», prévoit à son paragraphe 1:

«La personne qui exerce normalement une activité salariée dans deux ou plusieurs États membres est soumise:

a)      à la législation de l’État membre de résidence, si elle exerce une partie substantielle de son activité dans cet État membre ou si elle dépend de plusieurs entreprises ou de plusieurs employeurs ayant leur siège social ou leur siège d’exploitation dans différents États membres, ou

b)      à la législation de l’État membre dans lequel l’entreprise ou l’employeur qui l’emploie a son siège ou son domicile, si la personne n’exerce pas une partie substantielle de ses activités dans l’État membre de résidence.»

B –    Le règlement d’application

7.        L’article 14 du règlement d’application apporte des précisions relatives, notamment, à l’article 13 du règlement de base. Il se lit comme suit:

«[...]

5.      Aux fins de l’application de l’article 13, paragraphe 1, du règlement de base, une personne qui ‘exerce normalement une activité salariée dans deux ou plusieurs États membres’ désigne en particulier une personne qui:

a)      tout en maintenant une activité dans un État membre, en exerce simultanément une autre, distincte, dans un ou plusieurs autres États membres, quelles que soient la durée ou la nature de cette activité distincte;

b)      exerce en permanence des activités alternantes, à condition qu’il ne s’agisse pas d’activités marginales, dans deux États membres ou plus, quelles que soient la fréquence ou la régularité de l’alternance.

[...]

8.      Aux fins de l’application de l’article 13, paragraphes 1 et 2, du règlement de base, une ‘partie substantielle d’une activité salariée ou non salariée’ exercée dans un État membre signifie qu’une part quantitativement importante de l’ensemble des activités du travailleur salarié ou non salarié y est exercée, sans qu’il s’agisse nécessairement de la majeure partie de ces activités.

[...]

10.      Pour déterminer la législation applicable au titre [du paragraphe 8], les institutions concernées tiennent compte de la situation future prévue pour les douze mois civils à venir.

[...]»

8.        Conformément à l’article 16 du règlement d’application, intitulé «Procédure pour l’application de l’article 13 du règlement de base»:

«1.      La personne qui exerce des activités dans deux États membres ou plus en informe l’institution désignée par l’autorité compétente de l’État membre de résidence.

2.      L’institution désignée du lieu de résidence détermine dans les meilleurs délais la législation applicable à la personne concernée, compte tenu de l’article 13 du règlement de base et de l’article 14 du règlement d’application. Cette détermination initiale est provisoire. L’institution informe de cette détermination provisoire les institutions désignées de chaque État membre où une activité est exercée.

3.      La détermination provisoire de la législation applicable visée au paragraphe 2 devient définitive dans les deux mois suivant sa notification à l’institution désignée par les autorités compétentes des États membres concernés, conformément au paragraphe 2, sauf si la législation a déjà fait l’objet d’une détermination définitive [...], ou si au moins une des institutions concernées informe l’institution désignée par l’autorité compétente de l’État membre de résidence, à l’expiration de cette période de deux mois, qu’elle ne peut encore accepter la détermination ou qu’elle a un avis différent à cet égard.

[...]

5      L’institution compétente de l’État membre dont il est déterminé que la législation est applicable, que ce soit provisoirement ou définitivement, en informe sans délai la personne concernée.

[...]»

II – Les faits du litige au principal et les questions préjudicielles

9.        Il ressort de la décision de renvoi que M. Chain, ressortissant polonais ayant sa résidence en Pologne, a été employé comme charpentier par Atlanco, une agence de travail temporaire immatriculée à Chypre d’où elle exploite un bureau et gère les affaires de ses clients.

10.      En vertu des dispositions de deux contrats de travail conclus entre M. Chain et Atlanco, couvrant respectivement la période du 10 mai 2010 au 4 mars 2011 et celle du 26 novembre 2011 au 30 mars 2012, le premier avait l’obligation d’exécuter des travaux sur les chantiers des clients de la seconde dans différents États. Néanmoins, en raison de la nature temporaire du travail, ces contrats ne prévoyaient ni les États d’emploi ni la durée des missions successives au début de la relation de travail.

11.      Dans le cadre de ces deux contrats de travail, M. Chain a effectué des missions successives dans différents États membres et de l’EEE.

12.      En effet, en application du premier contrat de travail, signé le 15 avril 2010, M. Chain a travaillé successivement en France (du 10 mai 2010 au 23 juillet 2010), en Norvège (du 16 août 2010 au 20 novembre 2010) et en Belgique (du 2 février 2011 au 4 mars 2011).

13.      Puis, M. Chain a travaillé en Roumanie (du 26 novembre 2011 au 2 janvier 2012) avant de travailler en Norvège (du 3 janvier 2012 au 30 mars 2012), dans le cadre d’un second contrat de travail en date du 26 novembre 2011 (6).

14.      Tant M. Chain qu’Atlanco sont inscrits au Tmima Koinonikon Asfaliseon (département des assurances sociales) à Nicosie (Chypre), respectivement, en tant qu’assuré et employeur.

15.      Pour les périodes d’emploi accomplies au titre du premier contrat de travail, l’institution chypriote compétente en matière de sécurité sociale a délivré à M. Chain un formulaire E101, l’ancienne version du formulaire A1. Ce document attestait que, pour l’ensemble de ces périodes, M. Chain était soumis à la législation sociale chypriote (7).

16.      En revanche, en dépit du fait que, par lettre du 5 mars 2012, l’institution polonaise compétente en matière de sécurité sociale ait indiqué que la législation sociale applicable à M. Chain, au titre des périodes d’emploi accomplies en Roumanie et en Norvège en exécution du second contrat de travail, serait la législation chypriote, l’institution chypriote compétente n’a pas délivré de formulaire A1 à M. Chain (8).

17.      M. Chain a alors introduit un recours devant la juridiction de renvoi afin qu’elle ordonne à Atlanco de verser les cotisations sociales le concernant pour la période d’emploi du 26 novembre 2011 au 2 janvier 2012, effectué sur le fondement de l’article 11, paragraphe 3, sous a), du règlement de base, rendant la législation de l’État membre d’emploi applicable.

18.      Atlanco considère, en revanche, que la règle de principe énoncée à cette disposition connaît des exceptions, parmi lesquelles figure l’article 13, paragraphe 1, sous b), du règlement de base. Selon Atlanco, c’est à juste titre qu’elle aurait, en application de cette dernière disposition, versé les cotisations sociales relatives à la période litigieuse.

19.      C’est dans ce contexte que l’Eparchiako Dikastirio Lefkosias a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)      Le fait que les articles 13, paragraphe 1, sous b), du règlement [de base] et 14, paragraphe 5, sous b), du règlement d’application [...] s’appliquent à ‘une personne qui exerce normalement une activité salariée dans deux ou plusieurs États membres’ doit-il être interprété en ce sens qu’ils s’appliquent également à la situation d’une personne qui est employée en vertu d’un contrat de travail par un seul employeur établi dans un État membre [...] pour qu’elle travaille dans deux autres États membres [(9)], même lorsque:

a)      le deuxième État membre dans lequel la personne en cause sera employée n’a pas encore été déterminé ni ne peut être prévu au moment de la demande du formulaire A1, en raison de la nature particulière de l’activité, à savoir l’emploi temporaire des travailleurs sur de courtes durées dans différents États membres [...],

ou

b)      la durée de l’engagement dans le premier et/ou le deuxième État membre ne peut pas encore être déterminée ou n’est pas prévisible, en raison de la nature particulière de l’activité des travailleurs, à savoir un emploi temporaire pour de courtes durées dans différents États membres [...]?

2)      En cas de réponse affirmative à la première question [...], l’article 14, paragraphe 5, sous b), du règlement d’application [...] peut-il être interprété en ce sens que, aux fins de l’application de l’article 13, paragraphe 1, sous b), du règlement [de base], la notion de ‘personne qui exerce normalement une activité salariée dans deux ou plusieurs États membres’ se réfère également à la situation dans laquelle des périodes d’inactivité interviennent entre deux engagements dans des États membres différents, au cours desquels le travailleur continue d’être soumis au même contrat de travail?

3)      En cas de réponse affirmative à la première question [...], le fait que l’État membre compétent ne délivre pas de formulaire A1 exclut-il l’application de l’article 13, paragraphe 1, sous b), du règlement [de base]?

4)      Les articles 16, paragraphe 5, et/ou 20, paragraphe 1, ou tout autre article du règlement d’application [...] imposent-ils à l’État membre de délivrer, à la suite d’une décision préliminaire de l’État membre de séjour relative au droit applicable, un formulaire A1 de sa propre initiative, sans qu’il soit nécessaire pour l’employeur intéressé de soumettre une autre demande à l’État membre compétent?»

III – Notre analyse

A –    Observations liminaires

20.      Avant de débuter notre analyse, trois remarques liminaires s’imposent.

21.      Premièrement, nous constatons que seule la première question soulève des problèmes de droit complexes nécessitant un examen approfondi. En effet, tant la jurisprudence que les règlements applicables au cas d’espèce permettent d’apporter des réponses aux autres questions posées par la juridiction de renvoi.

22.      Notre analyse se limitera donc à la première question concernant la détermination de la législation applicable à une situation et à des circonstances telles que celles en cause au principal.

23.      Plus précisément, nous examinerons la question de savoir lequel des articles 11, paragraphe 3, sous a), du règlement de base, établissant la règle de principe de la lex loci laboris, ou 13, paragraphe 1, sous b), de ce règlement, en tant que règle spécifique rendant la loi du siège social applicable, couvre cette situation.

24.      Par ailleurs, nous notons, dès à présent, qu’il ressort des pièces du dossier que, pendant la période litigieuse, M. Chain n’a pas exercé d’activité salariée dans son État membre de résidence et ne dépend pas non plus de plusieurs entreprises ayant leur siège social dans différents États membres. Ainsi, les conditions d’application de l’article 13, paragraphe 1, sous a), du règlement de base ne sont pas réunies en l’espèce.

25.      Deuxièmement, nous observons que, depuis sa version initiale, le libellé de l’article 13, paragraphe 1, sous b), du règlement de base n’a pas connu de changements fondamentaux, alors que son contexte économique et social, lui, a fondamentalement évolué.

26.      À ce titre, nous constatons, tout d’abord, que l’article 13, paragraphe 1, sous b), du règlement de base trouve son origine dans le règlement n° 24/64/CEE du Conseil, du 10 mars 1964, portant modification de l’article 13 du règlement n° 3 et de l’article 11 du règlement n° 4 (législation applicable aux travailleurs détachés et aux travailleurs exerçant normalement leur activité dans plusieurs pays) (10).

27.      En effet, l’article 1er du règlement n° 24/64 modifie l’article 13 du règlement n° 3 concernant la sécurité sociale des travailleurs migrants (11), lequel prévoit des exceptions à la règle de principe de la lex loci laboris, en introduisant un nouveau point c) à cet article 13.

28.      Ce nouveau point c) disposait:

«Les travailleurs salariés ou assimilés, autres que ceux visés [sous] b) [concernant le personnel roulant ou navigant], qui exercent normalement leur activité sur le territoire de plusieurs États membres, sont soumis à la législation de celui de ces États sur le territoire duquel ils ont leur résidence.

S’ils ne résident sur le territoire d’aucun des États membres où ils exercent leur activité, ils sont soumis à la législation de l’État membre sur le territoire duquel se trouve l’employeur ou les employeurs ou bien le siège de l’entreprise ou des entreprises qui les occupent [(12)]. [...]»

29.      Les modifications ultérieures du règlement n° 3 et l’adoption de règlements remplaçant ce règlement (13) avaient, notamment, pour but d’adapter le règlement n° 3 à un contexte économique et social renouvelé et d’y intégrer les solutions jurisprudentielles adoptées par la Cour.

30.      À cet égard, nous observons que la coordination des systèmes de sécurité sociale a été conçue à un moment où les migrations de travail étaient de durée moyenne (de quelques années au moins) (14). De même, l’«offre et la demande de travail étaient contrôlées y compris socialement au travers du contrat de travail à durée indéterminée et à temps plein» (15).

31.      Ce postulat a ensuite été remis en question, notamment par l’élargissement de l’Union intervenu en 2004 (16) et par l’apparition de nouvelles formes de migrations (17) dont la situation en cause au principal constitue, selon nous, un exemple.

32.      Toutefois, le libellé de l’article 13, paragraphe 1, du règlement de base correspond, en substance, à celui de l’article 13, sous c), du règlement n° 24/64.

33.      En effet, nous rappelons que cet article 13, paragraphe 1, prévoit:

«La personne qui exerce normalement une activité salariée dans deux ou plusieurs États membres est soumise:

a)      à la législation de l’État membre de résidence, si elle exerce une partie substantielle de son activité dans cet État membre ou si elle dépend de plusieurs entreprises ou de plusieurs employeurs ayant leur siège social ou leur siège d’exploitation dans différents États membres, ou

b)      à la législation de l’État membre dans lequel l’entreprise ou l’employeur qui l’emploie a son siège ou son domicile, si la personne n’exerce pas une partie substantielle de ses activités dans l’État membre de résidence [(18)].»

34.      Dans ce contexte, nous estimons que le texte de l’article 13, paragraphe 1, sous b), du règlement de base, dont l’interprétation est demandée dans l’affaire en cause au principal, paraît dépassé et risque d’ouvrir la voie à un usage controversé, voire à une application incorrecte (19).

35.      Contrairement à la position défendue par la Commission européenne lors de l’audience, nous pensons que l’adaptation des règles existantes aux nouveaux modèles de migration, voire l’adoption de nouvelles règles, serait alors appropriée afin de faciliter l’application des dispositions portant sur la détermination de la législation applicable (20).

36.      Par ailleurs, nous constatons que la Commission, dans sa communication du 6 décembre 2007 (21), a déjà pu considérer le besoin d’une adaptation du règlement de base et du règlement d’application aux nouvelles formes de mobilité des travailleurs.

37.      En effet, selon la Commission, bien que ces règlements se soient révélés être des instruments efficaces afin de garantir aux travailleurs migrants, qui font usage de leur droit de circuler librement à l’intérieur de l’Union, de n’en subir aucune perte de leur protection sociale, «de nouvelles formes de mobilité (des périodes plus courtes, des statuts changeants, des pratiques de plurimobilité) peuvent contrarier l’application [desdits] règlements. Par exemple, un travailleur mobile, qui est fréquemment employé sous contrat de courte durée dans différents États membres, pourrait être amené à relever de plusieurs régimes de sécurité sociale [...]. Le moment est donc venu de se demander s’il est nécessaire de développer de nouveaux instruments mieux adaptés aux besoins des travailleurs mobiles et des entreprises qui les emploient» (22).

38.      Troisièmement, nous notons que la Commission, dans ses observations écrites, a considéré qu’il était possible d’appliquer, en l’espèce, aussi bien l’article 12, paragraphe 1, du règlement de base, relatif au détachement (23), que l’article 13, paragraphe 1, sous b), de ce règlement.

39.      Néanmoins, lors de l’audience, la Commission est revenue sur sa position et a considéré, à l’instar de tous les autres intervenants, que l’article 12, paragraphe 1, dudit règlement ne saurait être applicable à une situation telle que celle en cause au principal, faute de remplir les conditions d’application de ladite disposition (24).

40.      Il résulte des termes et de l’économie de l’article 12, paragraphe 1, du règlement de base que cette disposition a pour objet de régler la situation de travailleurs salariés qui présentent un lien d’emploi stable avec l’entreprise située sur le territoire d’un État membre et qui sont détachés, pour une période limitée, par l’entreprise dont ils relèvent, sur le territoire d’un autre État membre, avant de réintégrer cette entreprise (25).

41.      L’article 12, paragraphe 1, du règlement de base n’est, dès lors, pas susceptible de régir la situation, telle que celle en cause au principal, d’un travailleur salarié qui est envoyé par une agence de travail temporaire successivement dans différents États, sans que ce travailleur ait jamais exercé une activité salariée sur le territoire de l’État membre d’établissement de cette agence.

42.      Ainsi, la question centrale dans l’affaire en cause au principal est celle de savoir lequel des articles 11, paragraphe 3, sous a), du règlement de base ou 13, paragraphe 1, sous b), de ce règlement trouve à s’appliquer.

B –    Sur la première question, relative à l’interprétation de l’article 13, paragraphe 1, sous b), du règlement de base

43.      Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, à la Cour si les articles 13, paragraphe 1, sous b), du règlement de base et 14, paragraphe 5, sous b), du règlement d’application doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’appliquent à une situation dans laquelle un travailleur, résident d’un État membre, effectue, pour le compte de son employeur, établi dans un autre État membre, des missions successives de courte durée dans deux États, lorsque ni le second État d’emploi ni la durée d’engagement dans le premier et/ou le second État n’avaient été déterminés dans le contrat de travail et ne pouvaient être prévus au moment de la demande du formulaire A1.

44.      Un travailleur, tel que M. Chain, peut-il, dans ces circonstances, être considéré comme une «personne qui exerce normalement une activité salariée dans deux ou plusieurs États membres», au sens de l’article 13, paragraphe 1, sous b), du règlement de base?

45.      La quasi-totalité des gouvernements intervenants préconisent une réponse négative à cette question et soutiennent qu’une telle situation relève du champ d’application non pas de cette disposition, mais de l’article 11, paragraphe 3, sous a), du règlement de base, lequel énonce, rappelons-le, la règle générale selon laquelle la législation applicable est celle de la lex loci laboris.

46.      Selon nous, ladite question nécessite, au contraire, une réponse affirmative.

47.      Après avoir expliqué les raisons pour lesquelles nous estimons qu’un travailleur, tel que M. Chain, peut être considéré comme une «personne qui exerce normalement une activité salariée dans deux ou plusieurs États membres», nous démontrerons que, dans l’affaire au principal, les circonstances particulières liées à l’absence d’indication, au moment de la demande du formulaire A1, des États d’emploi et à celle de la durée des engagements dans ces États ne constituent pas un obstacle à l’application de l’article 13, paragraphe 1, sous b), du règlement de base.

48.      Tout d’abord, nous constatons que la lettre de l’article 13, paragraphe 1, sous b), du règlement de base ne définit pas la notion d’«activité salariée normale dans deux ou plusieurs États membres».

49.      Rappelons que, en vertu de cette disposition, la personne qui exerce normalement une activité salariée dans deux ou plusieurs États membres est soumise à la législation de l’État membre dans lequel l’entreprise ou l’employeur qui l’emploie a son siège social ou son domicile, si la personne n’exerce pas une partie substantielle de ses activités dans l’État membre de résidence.

50.      Plus de précisions quant à la notion de «personne qui exerce normalement une activité salariée dans deux ou plusieurs États membres» ont été apportées par le règlement d’application et par le guide pratique sur la législation applicable dans l’Union européenne (UE), dans l’Espace économique européen (EEE) et en Suisse (26) (ci-après le «guide pratique»).

51.      En effet, en vertu de l’article 14, paragraphe 5, du règlement d’application, une personne qui «exerce normalement une activité salariée dans deux ou plusieurs États membres», au sens de l’article 13, paragraphe 1, du règlement de base, désigne en particulier une personne qui, «tout en maintenant une activité dans un État membre, en exerce simultanément une autre, distincte, dans un ou plusieurs autres États membres, quelles que soient la durée ou la nature de cette activité distincte» (27) ou une personne qui «exerce en permanence des activités alternantes, à condition qu’il ne s’agisse pas d’activités marginales, dans deux États membres ou plus, quelles que soient la fréquence ou la régularité de l’alternance» (28).

52.      Il ressort de la décision de renvoi que les contrats de travail conclus par les parties en cause au principal prévoyaient l’obligation pour M. Chain d’exécuter des travaux temporaires sur les chantiers des clients d’Atlanco dans différents États. Nous savons également que, sous l’empire du premier contrat de travail, M. Chain avait exercé des fonctions de charpentier pendant quelques mois dans différents États et que, durant la période litigieuse, M. Chain a, au titre du second contrat de travail, travaillé pendant un peu plus d’un mois en Roumanie avant d’exercer une activité salariée durant presque trois mois en Norvège (29).

53.      Au regard de ces éléments, il semble établi que les activités salariées en cause au principal ont été exercées non pas simultanément (30), mais successivement, l’une après l’autre.

54.      Conformément au guide pratique, «les activités en alternance ne sont pas menées simultanément sur le territoire de plusieurs États membres, mais consistent en missions successives effectuées l’une après l’autre dans différents États membres» (31).

55.      Selon nous, la soumission de missions successives, effectuées l’une après l’autre, au champ d’application de l’article 13, paragraphe 1, sous b), du règlement de base se justifie notamment au regard du but de cette disposition, laquelle vise à «couvrir tous les cas possibles d’activités multiples présentant un élément transfrontalier et [à] distinguer les activités dont l’exercice s’étend, en règle générale, habituellement sur le territoire de plusieurs États membres de celles qui ne sont exercées qu’à titre exceptionnel ou temporaire» (32).

56.      Il résulte de ce qui précède que, en principe, toute activité salariée, telle que celle en cause au principal, exercée successivement et habituellement (33), c’est-à-dire en règle générale plutôt que seulement à titre exceptionnel ou temporaire, sur le territoire de deux ou plusieurs États est susceptible d’être régie par l’article 13, paragraphe 1, sous b), du règlement de base, à condition qu’il ne s’agisse pas d’une activité marginale (34).

57.      Selon nous, une telle solution est corroborée par l’analyse de la finalité des articles figurant au titre II du règlement de base, intitulé, nous le rappelons, «Détermination de la législation applicable», et notamment de l’article 13, paragraphe 1, sous b), de ce règlement.

58.      À cet égard, nous constatons que les dispositions de ce titre II doivent être interprétées à la lumière de l’article 48 TFUE, qui vise à faciliter la libre circulation des travailleurs migrants telle que définie à l’article 45 TFUE et implique, notamment, que le paiement des prestations de sécurité sociale leur soit garanti (35).

59.      Dans cette optique, la Cour, à de nombreuses reprises, a considéré que ledit titre II vise à éviter, dans l’intérêt tant des travailleurs et des employeurs que des caisses, tout cumul et tout enchevêtrement inutiles des charges et des responsabilités qui résulteraient d’une application simultanée ou alternative de plusieurs législations (36) et qui pourraient ainsi, en eux-mêmes, constituer des obstacles à la libre circulation de ces travailleurs à l’intérieur de l’Union (37).

60.      Ainsi, les dispositions du titre II du règlement de base, y compris l’article 13, paragraphe 1, sous b), de ce règlement, visent à garantir la libre circulation des travailleurs migrants, ce qui suppose, en particulier, la garantie d’une protection sociale permanente en application d’une seule législation sociale applicable (38). En effet, la complexité des cumuls et des partages de cotisations et de prestations doit être évitée en faveur d’un système simple et pratique (39).

61.      Nous verrons que de tels objectifs ne sauraient être réalisés, selon nous, par l’application de la règle de la lex loci laboris à une situation telle que celle en cause au principal, ce qui justifie l’application de l’article 13, paragraphe 1, sous b), du règlement de base.

62.      Tel que nous l’avons relevé précédemment, le législateur de l’Union a retenu, comme législation sociale de principe applicable, la lex loci laboris. Nous notons que ce choix s’explique, notamment, par le fait que, à l’époque de la rédaction du règlement n° 3, la mobilité des travailleurs consistait principalement en une migration unique dans un autre État membre (40). Ainsi, le rattachement à l’État du lieu d’exécution du travail reposait sur la présomption qu’il s’agissait de la solution la plus protectrice pour le travailleur, dans la mesure où ce dernier pouvait, notamment, prétendre aux mêmes droits que les travailleurs nationaux (41).

63.      Bien que le règlement de base confirme le choix de la lex loci laboris comme législation de principe applicable (42), ce règlement admet également des dérogations à cette règle dans des situations spécifiques justifiant un autre critère de rattachement (43).

64.      Selon nous, l’application pure et simple de la règle de principe visée à l’article 11, paragraphe 3, sous a), du règlement de base, dans une situation particulière telle que celle en cause au principal, risquerait non pas d’éviter, mais, au contraire, de créer, tant pour le travailleur que pour l’employeur et les organismes de sécurité sociale, des complications administratives dont l’effet serait de retarder l’expédition des dossiers concernant les travailleurs et d’entraver ainsi l’exercice de leur libre circulation (44).

65.      En effet, l’application de la lex loci laboris à la situation d’un travailleur tel que M. Chain aurait pour conséquence que ce dernier serait soumis à la législation roumaine pour son activité d’un mois exercée en Roumanie, puis, du jour au lendemain (45), à la législation norvégienne pour la période de trois mois d’activité salariée exercée en Norvège, alors que ces deux missions avaient été exercées sous l’empire d’un même contrat de travail et pour le compte de la même agence de travail temporaire.

66.      Nous pouvons imaginer les complications qu’engendrerait pour M. Chain, mais également pour Atlanco et les organismes de sécurité sociale, un changement d’affiliation d’une caisse roumaine à une caisse norvégienne pendant ces quatre mois d’activité.

67.      Par ailleurs, nous notons que l’accès à certains droits dépend, dans quelques États membres, d’une période minimale de cotisation et que des changements trop fréquents de la législation applicable pourraient donc également avoir des répercussions négatives pour les travailleurs migrants (46).

68.      Ainsi, retenir le critère de rattachement de l’État membre du siège de l’entreprise concernée au titre de l’article 13, paragraphe 1, sous b), du règlement de base non seulement éviterait à cette entreprise une affiliation des travailleurs au régime de sécurité sociale d’un État où ils sont envoyés pour accomplir des travaux de courte durée, mais également préserverait, en particulier, les travailleurs de tout risque de rupture dans leur protection sociale.

69.      À cet égard, d’une part, nous ajoutons que les «dispositions [du titre II du règlement de base] ont pour but non seulement d’éviter l’application simultanée de plusieurs législations nationales et les complications qui peuvent en résulter, mais également d’empêcher que les personnes entrant dans le champ d’application du règlement [de base] soient privées de protection en matière de sécurité sociale, faute de législation qui leur serait applicable» (47).

70.      D’autre part, nous notons que l’article 13, paragraphe 1, du règlement de base a pour objet de promouvoir la libre prestation des services au bénéfice des entreprises qui en font usage en envoyant des travailleurs dans des États membres autres que celui dans lequel elles sont établies (48). Or, l’application de la lex loci laboris rendrait plus compliqué l’exercice de la libre prestation de services d’une entreprise, telle qu’Atlanco, laquelle a pour objet d’envoyer successivement et pour des périodes de quelques mois ses travailleurs salariés dans des États autres que celui de son établissement.

71.      À notre avis, c’est ainsi au nom des intérêts conjugués des travailleurs, des entreprises et des organismes de sécurité sociale que le rattachement à la législation de l’État membre où l’entreprise est établie se justifie dans une situation spécifique telle que celle en cause au principal.

72.      Toutefois, les considérations qui précèdent ne nous renseignent pas sur la possibilité d’appliquer l’article 13, paragraphe 1, sous b), du règlement de base à une situation telle que celle en cause au principal, «lorsque» ni les différents États d’emploi ni la durée d’engagement dans ces États ne sont prévus dans le contrat de travail ou connus lors de la demande du formulaire A1.

73.      À ce titre, nous observons que le libellé de l’article 13, paragraphe 1, sous b), du règlement de base n’apporte pas de précision sur le point de savoir si son application serait conditionnée par la détermination concrète, préalablement à toute activité du travailleur, de deux ou plusieurs États membres et de la durée des activités exercées dans ceux-ci ou si, dans une situation telle que celle en cause au principal, le fait que le contrat de travail prévoit l’obligation pour le travailleur d’effectuer, pour le compte de son employeur, des travaux dans différents États serait suffisant pour l’application de cette disposition.

74.      Selon nous, ce sont les précisions apportées par la jurisprudence, concernant la détermination de la législation applicable effectuée par les institutions compétentes en matière de sécurité sociale, qui permettent de confirmer la possibilité d’application de ladite disposition dans une situation et dans des circonstances telles que celles en cause au principal.

75.      En effet, il est de jurisprudence constante que, en vertu du principe de coopération loyale énoncé à l’article 4, paragraphe 3, TUE, l’institution émettrice du formulaire A1 est tenue de procéder à une appréciation correcte des faits pertinents pour l’application des règles relatives à la détermination de la législation applicable en matière de sécurité sociale et, partant, de garantir l’exactitude des mentions figurant dans ce formulaire (49).

76.      En règle générale, le formulaire A1 a vocation à être délivré avant ou au début de la période qu’il vise. Ainsi, l’appréciation des faits pertinents est le plus souvent effectuée, à ce moment, sur la base de la situation de travail anticipée du travailleur salarié concerné. C’est pourquoi la description de la nature du travail telle qu’elle ressort des documents contractuels revêt, dans la pratique, une importance particulière aux fins de cette appréciation (50).

77.      Nous ajoutons que, en vertu de l’article 14, paragraphe 10, du règlement d’application, «[p]our déterminer la législation applicable au titre des [activités visées notamment à l’article 13, paragraphes 1 et 2, du règlement de base], les institutions concernées tiennent compte de la situation future prévue pour les douze mois civils à venir».

78.      Il ressort de ce qui précède que l’institution compétente en matière de sécurité sociale doit examiner si, à la date de détermination de la législation applicable, il est prévisible que des périodes de travail effectuées dans plusieurs États membres vont se succéder avec une certaine régularité au cours des douze mois civils à venir, et ce en se fondant, notamment, sur la nature du travail telle qu’elle ressort des documents contractuels (51).

79.      La Cour a également considéré que, «[l]ors de l’appréciation des faits aux fins de la détermination de la législation de sécurité sociale applicable pour délivrer [un formulaire A1], l’institution concernée peut, le cas échéant, tenir compte, en plus du libellé des documents contractuels, d’éléments tels que la manière dont les contrats de travail entre l’employeur et le travailleur concernés ont été exécutés en pratique dans le passé, les circonstances entourant la conclusion de ces contrats et, plus généralement, les caractéristiques et les modalités des activités exercées par l’entreprise concernée, dans la mesure où ces éléments peuvent éclairer la nature réelle du travail en question» (52).

80.      Selon la majorité des gouvernements intervenants, l’institution compétente en matière de sécurité sociale ne serait pas en mesure de procéder à une appréciation correcte des faits dans une situation telle que celle en cause au principal lorsqu’elle ne dispose pas d’informations relatives aux États d’emploi et à la durée des engagements du travailleur dans ces États.

81.      Or, nous estimons que, malgré l’absence d’informations sur les lieux d’exécution des missions envisagées et la durée d’exécution de celles-ci, d’autres éléments à la disposition de l’institution compétente en matière de sécurité sociale, au moment de la détermination de la législation applicable, permettaient, en l’espèce, de renseigner sur la situation prévisible du travailleur salarié et de démontrer que ce travailleur exerce normalement une activité salariée dans deux ou plusieurs États.

82.      En effet, comme le constate à juste titre la Commission dans ses observations écrites, il était possible de déduire du premier contrat de travail que M. Chain exerce de manière successive des fonctions de charpentier dans différents États, et ce pour une durée de quelques mois.

83.      De même, les termes des deux contrats de travail indiquaient, selon nous, la probabilité d’une activité salariée dans deux ou plusieurs États. En effet, la décision de renvoi indique, rappelons-le, que, en vertu des dispositions des contrats de travail conclus entre M. Chain et Atlanco, le premier avait l’obligation d’exécuter des travaux sur les chantiers des clients de la seconde dans différents États.

84.      En outre, la nature même de l’activité d’une agence de travail temporaire telle qu’Atlanco, consistant à envoyer ses travailleurs salariés dans les différents États où sont situés ses clients pour que ces travailleurs y effectuent des travaux de courte durée, indique, selon nous, qu’il était prévisible que M. Chain allait effectuer différentes missions dans différents États.

85.      Par ailleurs, nous estimons que la nature de l’activité d’une agence de travail temporaire empêche l’employeur de connaître longtemps à l’avance les différents États dans lesquels il va envoyer ses travailleurs salariés et le temps que nécessitera le travail dans ces États.

86.      Il s’ensuit que, dans l’affaire en cause au principal, l’institution compétente en matière de sécurité sociale pouvait se fonder sur un faisceau d’indices éclairant la nature réelle du travail en question afin de déterminer la législation sociale applicable.

87.      Ainsi, nous pensons que cette institution disposait d’éléments suffisants pour considérer que la situation de M. Chain pouvait ressortir du champ d’application de l’article 13, paragraphe 1, sous b), du règlement de base.

88.      En outre, nous soulignons, à l’instar de la Commission, que l’application du système de conflit de lois instauré par le règlement de base ne dépend que de la situation objective dans laquelle se trouve le travailleur intéressé (53).

89.      Or, il ressort des pièces du dossier que, au regard de la situation réelle de M. Chain, ce dernier pouvait, selon nous, être considéré comme une «personne qui exerce normalement une activité salariée dans deux ou plusieurs États membres», dans la mesure où il avait, au titre du second contrat de travail, exercé deux missions successives de courte durée pour Atlanco dans deux différents États.

90.      Au vu des considérations qui précèdent, nous estimons que l’article 13, paragraphe 1, sous b), du règlement de base est susceptible de régir une situation telle que celle en cause au principal, lorsque ni les différents États d’emploi ni la durée d’engagement dans ces États ne sont prévus dans le contrat de travail ou connus lors de la demande du formulaire A1.

91.      Avant de conclure, nous souhaitons répondre aux craintes de la majorité des gouvernements intervenants selon lesquelles l’application de l’article 13, paragraphe 1, sous b), du règlement de base à une situation et à des circonstances telles que celles en cause au principal risquerait de provoquer des situations de fraude. Le gouvernement irlandais souligne, par exemple, que, dans des circonstances telles que celles en cause au principal, l’employeur, qui ne serait pas en mesure de fournir des informations sur le lieu et la durée de l’occupation de leurs salariés, pourrait choisir la législation applicable en s’établissant dans un État où le taux de cotisations sociales est particulièrement bas.

92.      Selon nous, bien que le risque de fraude existe, la procédure pour l’application de l’article 13 du règlement de base, prévue à l’article 16 du règlement d’application, instaure cependant des garanties afin d’éviter une telle application frauduleuse de cet article 13, à la condition que cette procédure soit respectée par tous les acteurs concernés.

93.      S’agissant de ladite procédure, l’article 16, paragraphe 2, du règlement d’application prévoit, en substance, que la législation applicable est déterminée, d’abord, provisoirement par l’institution de l’État membre du lieu de résidence du travailleur concerné. Puis, cette même institution informe de cette détermination provisoire les institutions désignées de chaque État membre où est exercée une activité et où est situé le siège social ou le siège d’exploitation de l’employeur (54).

94.      La détermination provisoire de la législation applicable devient définitive dans les deux mois suivant sa notification à l’institution désignée des autres États membres sauf si, notamment, au moins une des institutions concernées informe l’institution désignée de l’État membre de résidence, à l’expiration de cette période de deux mois, qu’elle ne peut encore accepter la détermination ou qu’elle a un avis différent à cet égard (55). Dans ce dernier cas, les institutions doivent rechercher un accord conformément à une procédure spécifique de dialogue et de conciliation (56).

95.      Ainsi, l’appréciation des faits aux fins de la détermination de la législation applicable, dans le cas d’une activité salariée dans deux ou plusieurs États membres, est effectuée par au moins deux institutions différentes, ce qui constitue, a priori, une garantie d’une appréciation correcte des faits et, par conséquent, de la législation applicable. D’autant plus que les institutions et les personnes couvertes par le règlement de base sont tenues à une obligation mutuelle d’information et de coopération pour assurer la bonne application de ce règlement (57).

96.      Dans l’affaire en cause au principal, il ressort des pièces du dossier que, la veille de la première mission exercée par M. Chain en Roumanie, Atlanco avait initié la procédure pour l’application de l’article 13 du règlement de base, en introduisant une demande de détermination provisoire de la législation applicable auprès des autorités polonaises de sécurité sociale.

97.      L’institution polonaise compétente avait alors, par décision du 5 mars 2012 (58), déterminé la législation chypriote comme provisoirement applicable et avait procédé à la notification de cette détermination provisoire auprès de l’institution chypriote compétente.

98.      Lors de l’audience, le gouvernement chypriote a indiqué que, bien qu’étant en désaccord avec ladite détermination provisoire, l’institution chypriote compétente n’avait pas informé l’institution polonaise compétente de leur divergence d’avis.

99.      Faute pour l’institution chypriote compétente d’avoir contesté la détermination de la législation applicable, la législation chypriote était alors devenue définitivement applicable à la situation en cause au principal. Ainsi, dans le cas où une demande du formulaire A1 par les personnes concernées serait intervenue, cette institution chypriote aurait dû leur délivrer ce formulaire (59).

100. Nous ajoutons qu’il ressort également de la jurisprudence que l’institution qui a déjà délivré un formulaire A1 doit reconsidérer le bien-fondé de cette délivrance et, le cas échéant, doit retirer ce formulaire lorsque l’institution compétente d’un État dans lequel le travailleur salarié effectue un travail émet des doutes quant à l’exactitude des faits qui sont à la base dudit formulaire et/ou au respect des exigences du titre II du règlement de base (60).

101. Il s’ensuit que des procédures de contrôle permettant d’éviter une application frauduleuse de l’article 13, paragraphe 1, sous b), du règlement de base existent.

102. Au vu de tous les éléments qui précèdent, nous sommes d’avis que les articles 13, paragraphe 1, sous b), du règlement de base et 14, paragraphe 5, sous b), du règlement d’application doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’appliquent à une situation telle que celle en cause au principal dans laquelle un travailleur salarié résident d’un État membre exerce, pour le compte d’un employeur établi dans un État membre différent et dans le cadre d’un même contrat de travail, des missions successives de courte durée dans deux autres États, lorsque ni le second État d’emploi ni la durée d’engagement dans le premier et/ou le second État n’ont été déterminés dans le contrat de travail et ne peuvent être prévus au moment de la demande du formulaire A1.

IV – Conclusion

103. Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, nous proposons à la Cour de répondre à l’Eparchiako Dikastirio Lefkosias comme suit:

L’article 13, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale, tel que modifié par le règlement (UE) n° 1244/2010 de la Commission, du 9 décembre 2010, et l’article 14, paragraphe 5, sous b), du règlement (CE) n° 987/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 16 septembre 2009, fixant les modalités d’application du règlement n° 883/2004, tel que modifié par le règlement n° 1244/2010, doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’appliquent à une situation telle que celle en cause au principal dans laquelle un travailleur salarié résident d’un État membre exerce, pour le compte d’un employeur établi dans un État membre différent et dans le cadre d’un même contrat de travail, des missions successives de courte durée dans deux autres États, lorsque ni le second État d’emploi ni la durée d’engagement dans le premier et/ou le second État n’ont été déterminés dans le contrat de travail et ne peuvent être prévus au moment de la demande du formulaire A1.


1 – Langue originale: le français.


2 – Le formulaire A1, qui remplace depuis le 1er mai 2012, notamment, le formulaire E101, atteste de la législation de sécurité sociale applicable à son détenteur qui n’est pas affilié dans l’État où il travaille. Ce formulaire est établi dans les cas où un travailleur se déplacerait à l’intérieur de l’Union européenne, de l’Espace économique européen (EEE) ou en Suisse pour y exercer une activité, afin de déterminer, notamment, dans quel État les cotisations sociales doivent être versées.


3 –      JO L 166, p. 1, et rectificatif JO 2004, L 200, p. 1. Règlement tel que modifié par le règlement (UE) n° 1244/2010 de la Commission, du 9 décembre 2010 (JO L 338, p. 35, ci-après le «règlement de base»).


4 –      JO L 284, p. 1. Règlement tel que modifiée par le règlement n° 1244/2010 (ci-après le «règlement d’application»).


5 –      Nous notons que le règlement de base et le règlement d’application régissent également des situations de déplacements des travailleurs vers l’EEE et vers la Suisse. Ainsi, nous précisons que les termes «État membre» doivent être compris comme regroupant, outre les États membres de l’Union, les États de l’EEE et la Confédération suisse.


6 – Ci-après la «période litigieuse».


7 –      La décision de renvoi ne mentionne pas sur quel fondement l’institution chypriote compétente avait estimé que la loi chypriote s’appliquait à la période couverte par ce premier contrat de travail.


8 –      La décision de renvoi ne précise ni les dates de la demande et du refus du formulaire A1 relatif à la période litigieuse ni les motifs d’un tel refus. De même, elle ne renseigne pas sur la législation applicable dans l’intervalle (période d’environ neuf mois) séparant la fin du premier contrat de travail du début d’exécution du second. Lors de l’audience, le gouvernement chypriote a précisé que, d’une part, il n’y aurait jamais eu de demande de formulaire A1 de la part d’Atlanco auprès de l’institution chypriote compétente et que, d’autre part, durant la période séparant les deux contrats de travail, M. Chain ne pouvait invoquer l’article 13 du règlement de base, faute d’un contrat de travail le liant à Atlanco établie à Chypre.


9 –      Voir note en bas de page 5.


10 –      JO 1964, 47, p. 746.


11 –      JO 1958, 30, p. 561. Le titre II du règlement n° 3 ne comportait pas, à son article 13, une exception spécifique pour le cas d’un travailleur salarié exerçant une activité dans deux ou plusieurs États membres. En effet, l’article 13 de ce règlement prévoyait seulement trois exceptions en ce qui concerne, premièrement, les travailleurs détachés, deuxièmement, les travailleurs des services de transport et, troisièmement, les travailleurs occupés par des entreprises traversées par la frontière commune de deux États membres.


12 –      Italique ajouté par nos soins.


13 – Ledit règlement a été modifié à de multiples reprises, à savoir quatorze fois. Il a ensuite été abrogé par le règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l’application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés et à leur famille qui se déplacent à l’intérieur de la Communauté (JO L 149, p. 2), lequel a connu de nombreuses modifications avant d’être abrogé par le règlement de base.


14 – Voir Pochet, P., «Révision du règlement 1408/71: réflexions conclusives», Revue belge de sécurité sociale, 2004, p. 735, spécialement p. 739.


15 – Idem.


16 – Le règlement de base a été adopté avant l’adhésion en 2004 des dix nouveaux États membres. Cependant, l’application de ce règlement, conditionnée par l’entrée en vigueur du règlement d’application, est intervenue seulement six ans après, à savoir le 1er mai 2010.


17 – Nous notons que certaines formes de mobilité existaient déjà dans les années 60, comme le travail temporaire et intérimaire, mais, par la suite, ces formes de mobilité se sont davantage développées, sont devenues plus fréquentes et sont exercées différemment.


18 –      Italique ajouté par nos soins. La notion d’«activité substantielle dans l’État membre de résidence» a été introduite par le règlement de base. Alors que l’article 13, paragraphe 1, sous b), de ce règlement n’indique pas clairement s’il régit une situation, comme celle en cause au principal, où «aucune» activité n’est exécutée dans l’État membre de résidence, nous estimons qu’une telle situation est susceptible d’être couverte par le champ d’application de cette disposition.


19 – Voir, en ce sens, Jorens, Y., «Vers de nouvelles règles pour la détermination de la législation applicable?», 50 ans de coordination de la sécurité sociale –Passé – Présent – Futur, 2010, p. 179, spécialement p. 187.


20 – En doctrine, de nombreux auteurs préconisent de modifier les règles de coordination portant sur la détermination de la législation applicable (voir, notamment, Morsa, M., Sécurité sociale, libre circulation et citoyenneté européennes, Perspectives de droit social, Anthemis, Limal, 2012, spécialement p. 158; Jorens, Y., et Van Overmeiren, F., «General principles of coordination in Regulation 883/2004», European Journal of Social Security, vol. 11, 2009, nos 1 et 2, p. 47, spécialement, p. 74 et 76; Lhernould, J.-P., «La coordination des régimes nationaux de sécurité sociale hors des règlements n° 1408/71 et n° 883/2004: constat de faiblesse ou tremplin pour de nouvelles ambitions?», La semaine juridique – Édition social, 2009, n° 41, p. 13, spécialement p. 16, et Schoukens, P., «Explicit competence to coordinate social security of highly mobile workers – the case of the moving researchers in the EU», Pravnik, Letnik 67, Ljubljana, 2012, p. 351, spécialement p. 357 et 362).


21 – Communication de la Commission au Conseil, au Parlement européen, au Comité économique et social européen et au Comité des régions, intitulée «La mobilité, un instrument au service d’emplois plus nombreux et de meilleure qualité: le plan d’action européen pour la mobilité de l’emploi (2007-2010)» [COM(2007) 773 final].


22 – Point 4.1.


23 – Selon cette disposition, «[l]a personne qui exerce une activité salariée dans un État membre pour le compte d’un employeur y exerçant normalement ses activités, et que cet employeur détache pour effectuer un travail pour son compte dans un autre État membre, demeure soumise à la législation du premier État membre, à condition que la durée prévisible de ce travail n’excède pas vingt-quatre mois et que la personne ne soit pas envoyée en remplacement d’une autre personne».


24 – Le gouvernement finlandais a, notamment, souligné que M. Chain n’avait jamais exercé une activité salariée à Chypre, de sorte que la première condition de l’article 12, paragraphe 1, du règlement de base, à savoir que la personne détachée est, juste avant son activité salariée, déjà soumise à la législation de l’État membre dans lequel est établi son employeur, ne serait pas remplie. En outre, la période d’emploi nécessaire avant de pouvoir réaliser un détachement a été fixée à un mois par la décision A2 de la commission administrative pour la coordination des systèmes de sécurité sociale, du 12 juin 2009, concernant l’interprétation de l’article 12 du règlement n° 883/2004 relatif à la législation applicable aux travailleurs salariés détachés et aux travailleurs non salariés qui exercent temporairement une activité en dehors de l’État compétent (JO 2010, C 106, p. 5).


25 – Voir, en ce sens, conclusions de l’avocat général Lenz dans l’affaire Calle Grenzshop Andresen (C‑425/93, EU:C:1995:12, point 20). Selon l’avocat général Lenz, dans cette affaire, «il convient [...] de partir du principe que le détachement se présente généralement sous la forme d’un déplacement, du fait du rapport de travail existant, de l’activité professionnelle dans un autre État membre pour une durée limitée», de telle sorte qu’une activité dans deux États membres ne correspond pas à l’hypothèse du détachement.


26 –      Ce document de travail de la Commission, dans sa version en date du mois de décembre 2013, est disponible à l’adresse Internet http://ec.europa.eu/social/main.jsp?langId=fr&catId=868. Nous relevons que ce guide n’est pas doté d’une valeur juridique contraignante. Cependant, comme le soulèvent les gouvernements chypriote et français dans leurs observations écrites, ledit guide a fait l’objet d’une approbation par les représentants des États membres au sein de la commission administrative pour la coordination des systèmes de sécurité sociale, ce qui le rend opposable aux institutions de sécurité sociale sur lesquelles les États membres exercent une tutelle.


27 –      Voir article 14, paragraphe 5, sous a), du règlement d’application. Italique ajouté par nos soins.


28 –      Voir article 14, paragraphe 5, sous b), du règlement d’application. Italique ajouté par nos soins.


29 – Nous notons que, au moment des faits du litige au principal, le règlement de base et le règlement d’application n’étant pas encore applicables au Royaume de Norvège, les règlements n° 1408/71 et (CEE) n° 574/72 du Conseil, du 21 mars 1972, fixant les modalités d’application du règlement n° 1408/71 (JO L 74, p. 1), restent applicables. Néanmoins, cette situation n’a pas d’incidence sur notre analyse, dans la mesure où l’article 14, paragraphe 2, sous b), ii), du règlement n° 1408/71 correspond, en substance, à l’article 13, paragraphe 1, sous b), du règlement de base, en déterminant la législation applicable de l’État membre du siège social de l’entreprise si le travailleur salarié concerné ne réside pas sur le territoire de l’un des États membres où il exerce son activité.


30 – Selon le guide pratique, «[l]es activités exercées simultanément recouvrent les cas dans lesquels des activités supplémentaires sont exercées simultanément dans différents États membres, dans le cadre d’un même contrat ou de contrats de travail différents. La deuxième activité ou l’activité supplémentaire pourrait être exercée pendant un congé payé, pendant le week-end ou, en cas de travail à temps partiel, il se peut que deux activités différentes pour deux employeurs différents soient menées le même jour» (p. 26).


31 –      Page 26. Italique ajouté par nos soins.


32 –      Page 25.


33 – Nous observons que, dans le cadre de l’interprétation d’autres dispositions du titre II du règlement de base, la Cour a pu considérer l’adverbe «normalement» comme un synonyme d’«habituellement» (voir arrêts Banks e.a., C‑178/97, EU:C:2000:169, point 25 et jurisprudence citée, ainsi que Plum, C‑404/98, EU:C:2000:607, point 21).


34 – Le guide pratique précise que, «pour éviter tout détournement des règles relatives à la législation applicable, les activités marginales ne sont pas prises en compte pour la détermination de la législation applicable sur la base de l’article 13 du règlement [de base]» (p. 28). Ce guide apporte également une définition de la notion d’«activités marginales», en considérant que «[celles-ci] sont des activités permanentes mais négligeables en termes de temps ou de rentabilité économique. Il est conseillé, à titre indicatif, de considérer comme marginales les activités représentant moins de 5 % du temps de travail normal du travailleur [...] et/ou moins de 5 % de sa rémunération globale» (idem).


35 –      L’article 48, premier alinéa, sous b), TFUE dispose que le Parlement européen et le Conseil de l’Union européenne, statuant conformément à la procédure législative ordinaire, adoptent, dans le domaine de la sécurité sociale, les mesures nécessaires pour l’établissement de la libre circulation des travailleurs, en instituant notamment un système permettant d’assurer aux travailleurs migrants salariés et non salariés et à leurs ayants droit le paiement des prestations aux personnes résidant sur les territoires des États membres.


36 –      Voir arrêt van der Vecht (19/67, EU:C:1967:49, p. 455); conclusions de l’avocat général Mayras dans l’affaire Bentzinger (73/72, EU:C:1973:21, p. 291), et conclusions de l’avocat général Warner dans l’affaire Association du Foot-Ball Club d’Andlau (8/75, EU:C:1975:76, p. 752).


37 – Voir conclusions de l’avocat général Warner dans l’affaire Association du Foot-Ball Club d’Andlau (8/75, EU:C:1975:76, p. 752 et jurisprudence citée), ainsi que conclusions de l’avocat général Warner dans l’affaire Perenboom (102/76, EU:C:1977:57, p. 825).


38 – Le principe de l’unicité de la législation applicable est affirmé au considérant 18 bis et à l’article 11, paragraphe 1, du règlement de base.


39 –      Voir conclusions de l’avocat général Slynn dans l’affaire Brusse (101/83, EU:C:1984:113, p. 2243). Voir, également, arrêt Rebmann (58/87, EU:C:1988:344, point 15).


40 – Voir, en ce sens, Rodríguez Cardo, I. A., «Applicable law in Regulation 883/2004», Migrants and Social Security – The (EC) Regulations 883/2004 & 987/2009, éd. Laborum, Espagne, 2010, p. 29, spécialement p. 33, et Schoukens, P., op. cit., spécialement p. 356 à 358.


41 – En outre, dans les années 60, la lex loci laboris permettait d’assurer que les travailleurs, qui, en général, se déplaçaient d’un État membre «pauvre» pour aller travailler dans un autre État membre plus aisé, profiteraient d’une meilleure protection sociale, dans la mesure où les États membres de l’époque avaient adopté un modèle bismarckien de sécurité sociale assurant une protection sociale fondée sur le travail (voir Schoukens, P., et Pieters, D., «The rules within Regulation 883/2004 for determining the applicable legislation», Special issue on 50 years of European social security coordination, European Journal of Social Security, vol. 11, Intersentia, Cambridge, 2009, nos 1 et 2, p. 81, spécialement p. 104).


42 –      Voir considérant 17 et article 11, paragraphe 3, sous a), du règlement de base.


43 – En effet, conformément au considérant 18 du règlement de base, «[i]l convient de déroger à [la] règle générale [de la lex loci laboris] dans des situations spécifiques justifiant un autre critère de rattachement».


44 –      Voir, en ce sens, arrêt Brusse (101/83, EU:C:1984:187, point 16).


45 – Nous rappelons qu’il ressort de la décision de renvoi que M. Chain avait terminé sa première mission en Roumanie le 2 janvier 2012, puis avait débuté sa seconde mission en Norvège le 3 janvier 2012.


46 – Voir arrêt Manpower (35/70, EU:C:1970:120, point 12). À ce titre, nous ajoutons qu’il ressort de l’article 57, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement de base que l’institution d’un État membre n’est pas tenue de servir des prestations, en matière de pensions de vieillesse et de pensions de survivant, au titre de périodes accomplies sous la législation qu’elle applique et qui sont à prendre en compte au moment de la réalisation du risque si la durée totale desdites périodes n’atteint pas une année et, compte tenu de ces seules périodes, aucun droit aux prestations n’est acquis en vertu de cette législation.


47 – Voir arrêt Kits van Heijningen (C‑2/89, EU:C:1990:183, point 12).


48 – Voir, en ce sens, arrêts FTS (C‑202/97, EU:C:2000:75, point 28 et jurisprudence citée) ainsi que Plum (C‑404/98, EU:C:2000:607, point 19).


49 –      Voir arrêt Format Urządzenia i Montaże Przemysłowe (C‑115/11, EU:C:2012:606, point 42 et jurisprudence citée).


50 – Ibidem (point 43).


51 – Voir guide pratique (p. 26).


52 – Voir arrêt Format Urządzenia i Montaże Przemysłowe (C‑115/11, EU:C:2012:606, point 45). Italique ajouté par nos soins.


53 –      Voir, en ce sens, arrêt van Delft e.a. (C‑345/09, EU:C:2010:610, point 52 et jurisprudence citée). Voir, également, arrêt Format Urządzenia i Montaże Przemysłowe (C‑115/11, EU:C:2012:606), en vertu duquel l’institution compétente en matière de sécurité sociale doit se fonder sur la situation réelle du travailleur concerné dans le cas où cette dernière différerait, en fait, de celle décrite dans les documents contractuels (point 46).


54 – Voir guide pratique (p. 39).


55 – Voir article 16, paragraphe 3, du règlement d’application.


56 – Voir article 16, paragraphe 4, du règlement d’application. Nous notons que la décision A1 de la commission administrative pour la coordination des systèmes de sécurité sociale, du 12 juin 2009, concernant l’établissement d’une procédure de dialogue et de conciliation relative à la validité des documents, à la détermination de la législation applicable et au service des prestations au titre du règlement n° 883/2004 (JO 2010, C 106, p. 1), apporte des précisions sur la procédure à respecter en cas d’avis divergent des différentes institutions compétentes sur la détermination de la législation applicable.


57 – Voir article 76, paragraphe 4, du règlement de base.


58 –      Nous rappelons que, à cette date, M. Chain avait déjà terminé sa première mission en Roumanie et avait débuté sa seconde mission en Norvège.


59 – Selon l’article 19, paragraphe 2, du règlement d’application, «[à] la demande de la personne concernée ou de l’employeur, l’institution compétente de l’État membre dont la législation est applicable en vertu d’une disposition du titre II du règlement de base atteste que cette législation est applicable et indique, le cas échéant, jusqu’à quelle date et à quelles conditions».


60 – Voir arrêt Format Urządzenia i Montaże Przemysłowe (C‑115/11, EU:C:2012:606, point 47 et jurisprudence citée).